Moi qui ne suis pas toujours la plus efficace en titraille, j’ai très vite trouvé l’intitulé de mon projet. Il permettait aussi bien d’annoncer les deux pans du problème que l’intérêt que je trouvais à les mêler. Et puis le livre est paru, et la question est revenue par vagues : c’est quoi, le technoféminisme ?
Or, jusque là, je ne me vivais pas comme une créatrice de concept. J’avais avant tout accompli une démarche journalistique : en m’appuyant sur toute la documentation sur laquelle j’avais pu mettre la main, en menant des entretiens avec diverses expertes et actrices de terrain, j’ai tenté de creuser des questions comme celle des effets des cyberviolences sur la démocratie, l’oubli des femmes et des minorités dans l’histoire de l’une des industries les plus importantes du XXIe siècle, la manière dont l’intelligence artificielle a été développée ou l’usage de l’idée de consentement dans les mondes connectés.
Pour autant, ma réflexion ne venait pas de nulle part.
En creusant l’histoire du domaine, j’ai croisé le courant cyberféministe, qui a promu l’appropriation du cyberspace et des technologies par et pour les femmes. Mais dans mon esprit, ce mouvement est ancré dans un moment historique précis : celui des années 1980-1990, celui des textes fondateurs d’une certaine culture numérique - le manifeste cyborg de Donna Haraway, le manifeste cyberféministe du collectif VNS Matrix, ce genre de chose.